Dans le Jardin des mots

— »Les calices vides »/ « Los cálices vacíos » de Delmira Agustini traduit en français par Monique-Marie IHRY

COUVERTURE 1ere Les calices vides

Les calices vides / Los cálices vacíos (1913), poésie de Delmira AGUSTINI (1886-1914) traduite en français par Monique-Marie IHRY

RÉSUMÉ :

Malgré une dimension universelle incontestée dans la littérature latino-américaine et espagnole, la poésie de Delmira Agustini demeure inconnue dans l’espace francophone. Cet ouvrage traduit en français tente de relever le défi et de la faire connaître.

« En paraphrasant la phrase de Shakespeare, on pourrait dire « That is a woman »,  car en tant que femme affirmée, elle dit ces choses exquises que l’on n’a jamais exprimées »

écrit le poète et chef de file du mouvement Moderniste Ruben Dario dans le « Portique » initiant Les calices vides.

À la fois « fleur d’innocence », sculptrice de l’amant imaginaire, femme fatale, Delmira Agustini, poète uruguayenne lyrique, féministe et moderniste appartenant à la Génération de 1900, décrit l’Amour et sa passion démesurée dans son troisième recueil Les calices vides (1913) dédié à Éros et traduit en français par la poète Monique-Marie Ihry.

 

ISBN : 978-237613-031-4

EAN : 9782376130314

Thema : DCC

Prix : 15 €

Poids : 145 g

Les poèmes de ce recueil sont issus de la publication originale de Los cálices vacíos éditée en 1913 aux Éditions O.M. BERTANI de Montevideo.

 

Préface 

 

Delmira Agustini est née le 24 octobre 1886 à Montevideo en Uruguay dans une  famille bourgeoise. Elle apprit le français, la musique et la peinture. Enfant prodige, elle commença à écrire de la poésie dès l’âge de dix ans. Six ans plus tard, plusieurs de ses textes seront publiés dans diverses revues littéraires de l’époque, dont La Alborada, La petite revue et Rojo y Blanco.

Ses parents qui lui donnèrent une éducation stricte − sans comprendre vraiment le fond de ses textes enflammés et le plus souvent érotiques − avaient  une admiration sans borne pour ses écrits. Bien que son enfance ait loin d’avoir été malheureuse entre un père idolâtre et une mère malgré tout trop protectrice, elle souffrait de crises de profonde mélancolie.

Dans cette société Montévidéenne acquise aux valeurs patriarcales, la femme issue de la bourgeoisie se trouvait confrontée à deux seules opportunités : le mariage avec une vie bien rangée subissant la loi de l’homme, ou bien la vie monacale. Ces deux perspectives n’ont, à vrai dire, jamais conquis Delmira qui finira par se soumettre au choix du mariage. Elle avait rencontré six ans auparavant Enrique Job Reyes qui n’avait guère d’attrait pour la poésie. Elle l’épousa en 1913 sans grande conviction, tout en pensant, semble-t-il, à un autre.

Son mariage ne dura qu’un mois et demi. Elle se réfugia dans la demeure paternelle et demanda le divorce qu’elle obtint le 5 juin 1914. Elle eut ensuite des amants et finit par retrouver en cachette son ex-mari avec qui continua la passion charnelle qui avait animé leur couple, mais cela se termina rapidement de façon tragique. Était-ce une volonté préméditée et partagée ou bien un acte unilatéral ? Toujours est-il que Reyes lui tira deux balles dans la tête le 6 juillet 1914 avant de se donner la mort.

Entre-temps Delmira Agustini avait publié trois recueils de poésie : Le Livre Blanc (1907), Les Chants du matin (1910) et Les calices vides (1913). Après cet assassinat, furent édités deux ouvrages posthumes : Le rosaire d’Éros et Les astres de l’abîme.

En 2014 − soit cent ans après la mort de Delmira Agustini − fut réédité son dernier ouvrage Les calices vides. Comme l’explique dans son introduction Rosa García Gutiérrez[1], ce recueil est un « portrait » de sa production poétique parce qu’il exhibe l’âme « sans filtres ni artifices » de la poète ; c’est également un « récit » de son processus créatif quant à son travail de sélection, de réécriture du Livre Blanc (frágil) et des Chants du matin. L’auteure indique par ailleurs pourquoi l’on considère à juste titre que Delmira Agustini est « l’icône qui prend la parole », et comment ce faisant, elle transgresse la sphère poétique créée par ses pairs masculins, eux-mêmes transgresseurs des coutumes, du langage et dans leur grande majorité culturellement misogynes.

Delmira Agustini faisait partie de la « Génération de 1900 ». Elle a rejoint le mouvement Moderniste émergeant en ce début de XX° siècle dont Ruben Dario était le chef de file. Si sa poésie peut avoir parfois l’ingénuité d’une « fleur d’innocence », Les Calices vides sont une ode à Éros, deux extrêmes oscillant entre rêve et réalité, cultivant les oppositions, revisitant les mythes antiques, adulant l’homme jusqu’à lui conférer un statut divin, le reléguant également sous le masque figé d’une statue de pierre silencieuse et soumise…

Le poète nicaraguayen Ruben Dario qu’elle considérait comme son professeur, la compara à Thérèse d’Avila, déclarant qu’elle était la seule après la sainte à s’exprimer en tant que femme. Il écrira dans l’extrait d’une page critique publié sous le titre « Portique » et  dédié aux Calices vides ainsi qu’à ses deux précédents ouvrages :

« En paraphrasant la phrase de Shakespeare, on pourrait dire « That is a woman »,  car en tant que femme affirmée, elle dit ces choses exquises que l’on n’a jamais exprimées ».

Sans toutefois être l’égale de Thérèse d’Avila, Delmira Agustini écrivit et publia en tant que femme à une époque où les consciences étaient encore fortement sous l’emprise de préceptes phallocratiques, en abordant le thème de l’amour sous une approche féministe empreinte d’un lyrisme érotique affirmé.

Elle entendait revendiquer les droits de la femme en tant d’être humain à part entière, sa propre légitimité à s’exprimer sans détour avec toute la fougue animant son cœur. Elle fut l’objet de nombreuses critiques car − outre l’érotisme caractérisant son écriture − elle osa inverser les rôles, conférant à la femme une attitude active dans la relation amoureuse, passant ainsi de l’état d’ « objet » dévolu exclusivement au genre féminin à celui de « sujet », incarnant de ce fait « la femme fatale » tant décriée à l’époque. Rappelons que la société latino-américaine de ce début de XX° siècle − tout comme l’Europe − était sous le joug d’un régime patriarcal, que la femme devait se contenter d’une position soumise d’ « ange au foyer » et se consacrer uniquement à l’éducation des enfants.

 

Monique-Marie IHRY

 


[1] Delmira Agustni: Los cálices vacíos, Édition critique et introduction de  Rosa García Guttiérrez, Point de Lunettes, Séville, 2014, 323 pages

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