Le rosier
Le rosier
Dans la ville désertée de ses habitants,
les portes entre-ouvertes claquent au vent,
répondant à l’écho de volets malmenés
par les fracas de l’hivernale colère.
La ville a froid ; glacées sont les maisons
désormais sans âmes,
sans flammes au foyer des êtres enfuis
depuis plusieurs mois déjà, partis
rejoindre à pied les frontières de l’inconnu,
portés par la foi en un possible devenir.
N’ayant toujours pas compris
cet abandon sans préavis,
des chats faméliques entrent et sortent
par les portes tremblantes de l’aurore.
Les chiens hurlent leur détresse,
interpellent la mort, longuement.
Dans le petit jardin de la maison vide,
un rosier sans épines continue de fleurir malgré tout
offrant au monde la fragrance délicate
d’une vie que seul un obus pourrait anéantir.
La maison voisine affiche de profondes blessures.
La façade parcourue d’une plaie géante
laisse deviner la misère installée.
Des rossignols ayant élu domicile en ces lieux
viennent et vont, s’affairent pour nourrir leurs petits.
Généreuse, la maison efflanquée,
à défaut d’être habitée, laisse ces âmes pénétrer,
tout comme la vigne s’étant vaillamment épanouie
entre les pierres délabrées d’une petite chambre
abandonnée…
© Monique-Marie Ihry – 29 septembre 2020 –
(Poème issu de mon recueil Les rimes interdites, hommage à Antonio Machado, Collection Plume d’ivoire n° 15, Cap de l’Étang Éditions, 2021)