Lamento
Lamento
L’archet du temps faiblit. L’on ne perçoit bientôt
Dans le soir vieillissant qu’une longue plainte muette.
Les chênes aussi ont leur douleur secrète
Qu’ils pleurent d’une feuille au fil d’un lamento.
L’automne prend son temps, nous dicte sa froidure,
À vils renforts de vents, fait trembler les troncs morts,
Puis les grands arbres blonds au front couronné d’ors
S’inclinent à regret sans autre procédure…
L’on ne perçoit bientôt dans les sommets obscurs
Que des nuages hagards chevauchant la vallée,
Chassés par le Mistral dans la nuit brune allée ;
Ils galopent traqués par des souffles impurs.
La nature se meurt sous l’assaut de l’automne.
Un grand chêne gémit sur le bord du canal.
Blotti sur un côté, l’érable colossal
S’incline d’un silence et puis se pelotonne…
Sous peu, l’hiver viendra nous dicter sa vigueur
Et l’on ne verra plus des arbres que les branches,
Grandes, squelettiques comme de vieilles hanches
Agonisant tantôt sous l’auguste rigueur.
Il n’y a plus de plainte ou de douleur secrète,
La nature n’est alors qu’une tombe gisant
Sur un sol épuisé. Il n’est guère à présent
Que l’ombre d’une mort qu’une flûte interprète…
© Monique-Marie Ihry – 10 décembre 2022 -
(toile de l’auteure « Vignes d’Occitanie I » – huile sur lin 80 x 40 cm -)