Au banquet de la vie
I
J’ai à peine consommé au banquet de la vie.
Je n’ai point tout à fait mis fin à cette envie
De m’éveiller chaque matin
Dès le chant de l’aurore abreuvée d’espérance,
Emportée par les mots, oubliant ma souffrance
Portée par mes rimes satin.
Il sera toujours temps de replier mon aile
Lorsque l’aube venue, ma dernière chandelle
Viendra en silence mourir,
Éteignant cet espoir qui animait mon âme,
M’emportant vers mon sort comme une vieille femme
Que l’hiver soudain vient flétrir.
II
Je pars pour un voyage aux confins de la mort.
Mes bagages sont prêts, je m’incline sur ce sort
Que Satan lui-même m’impose.
Je n’ai que trop vécu, souvenirs très pesants,
Des boulets que l’on traîne au désespoir des ans
Imposant une vie morose.
Il n’est plus d’aujourd’hui, je vais vers mon destin.
Il n’est plus de demain, je pars vers l’incertain
Voguer sur l’onde du mystère
Dans la brume du soir, où le soleil se meurt,
Où les jours sont des nuits, où règne la laideur
Dans un antre crépusculaire.
Nul besoin de bagage aux confins de la mort,
Sur ce triste rivage, arrivée à bon port,
Satan me tendra une rose
Aux épines dressées qui tacheront de sang
Mon âme virginale, me livrant au croissant
D’une faux affutée, éclose.
III
Adieu mes livres, mon crayon, mes cahiers.
Je dois abandonner tous les plaisirs premiers
Qui édulcorèrent ma vie.
Je ne verrai plus l’aube et sa douce senteur
Ni la rosée des bois, son parfum enchanteur
Enivrant ma lente survie.
Adieu mon amour, mon amant, mon ami,
Dans le soir triomphant le soleil a faibli
Et le jour se métamorphose.
Dans le grand lac obscur, la lune va mourant ;
Mon cœur au son du soir capitule, se rend,
Il est temps de faire une pause.
Une pause bien longue empreinte de rancœur,
Un aller sans retour vers un monde sans fleur
Où n’éclot que la verte épine,
Où l’aube se fait nuit car le soleil n’est plus,
Où la vie n’est qu’un leurre aux rêves superflus.
Dans les cieux la mort assassine !
© Monique-Marie Ihry – 9 septembre 2015 –
(Extrait d’un recueil de poésie de l’auteure,
toile de l’auteure intitulée « Adieu » – huile sur toile 48 x 56 cm)