Connerie et compagnie
Connerie et compagnie
Obligée de me rendre chez le dentiste ce matin de bonne heure, très heureuse cependant de pouvoir y aller, contrairement au précédent confinement où je n’ai pas eu cette chance, je monte dans ma voiture. Il est de rares obligations auxquelles on ne peut se soustraire, même en période de confinement.
À peine installée, un individu non masqué d’un âge certain frappe à ma vitre. Je lui dis que je suis pressée. Il insiste. Je finis par ouvrir sans avoir eu l’idée préalable de protéger aussitôt mon visage ; j’étais initialement dans mon véhicule et n’avais absolument pas prévu cette irruption intempestive.
‒ Nous les vieux, on est les meilleurs ! me dit-il penché à ma fenêtre.
‒ Prends ça dans les dents, me dis-je à mon tour, il me range dans SA catégorie.
Un tel compliment est toujours agréable le matin de bonne heure… Je tiens à préciser qu’il avait au bas mot 10 ans de plus que moi.
Je lui fais signe de s’en aller parce que je suis pressée et que par ailleurs il doit reculer, car il n’est pas masqué. Je ferme ma vitre. Il continue plus fort :
‒ Nous les vieux, on est les meilleurs. On n’est pas malades, alors, pas besoin de masque ! Pas vrai ?
Il avait l’air sincère, ce qui était d’autant plus affligeant.
‒ Je n’en suis absolument pas certaine !!! lui dis-je, excédée par ce comportement irresponsable.
Comme cela ne suffisait pas, il interpelle un voisin trentenaire qui se promenait avec sa baguette de pain dans la main.
‒ Hein qu’on est les meilleurs et qu’on n’a pas besoin de masque ?
Je ne sais pas comment la conversation s’est terminée parce que je me suis empressée de démarrer, mais je peux aisément le deviner. Ce dernier déambulait lui aussi visage-montré, libre de postillonner comme bon lui semblait sur les personnes à sa portée.
Combien de nouveaux morts par imprudence ou par ricochet aurons-nous ce soir sur le territoire français ? 416 comme avant-hier ou 854 comme hier, c’est-à-dire plus du double que la veille ?!
© Monique-Marie IHRY – 4 novembre 2020 –